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Alternative « Bio » à la pollution plastique
Sun Jan 8, 2012Plusieurs décennies d’exploitation intensive pour des usages courants se sont traduites par l’accumulation de plastique dans l’environnement. En effet, selon l’association Les amis du vent, 17 milliards de sacs sont distribués chaque année en France, soit 570 par seconde. 100 millions d’euros sont dépensés pour leur élimination. Les sacs mettent 200 à 400 ans pour disparaître, pour seulement quelques minutes d’utilisation. Une solution serait de minimiser les quantités de matières plastiques non dégradables par des substituts biodégradables et écocompatibles, issues de matières renouvelables, et donc recyclable par compostage ou par combustion.
Deux études importantes ont été publiées ces dernières années sur l’analyse de cycle de vie des sacs d’emplettes : l’une a été menée en Australie par le Department of Environment and Heritage, et l’autre, française, a été réalisée par Ecobilan PricewaterhouseCoopers pour le compte de la chaîne de supermarchés Carrefour.
La prise de conscience par un nombre croissant de pays de cette pollution à long terme, d’encombrement des décharges et de pollution des sols et des milieux maritimes et des coûts que pourraient représenter à terme le retraitement de tous les déchets plastiques, a conduit à la mise en place de cadres législatifs contraignants visant à terme à intégrer les coûts de retraitement aux coûts de fabrication. Ainsi, au Danemark, les emballages et les sacs de plastique sont taxés depuis 1994. La taxe est imposée au commerçant qui l’intègre dans le prix de ses produits. Elle est donc « invisible » pour le client. Cette mesure a permis de réduire de 66 % l’utilisation des emballages.
Par ailleurs, le retraitement des matières plastiques synthétiques est source de problèmes. En effet, le recyclage par combustion pour la production d’énergie se heurte à la prérogative du retraitement des fumées. De plus, les sacs plastiques incinérés en présence de matière organique contribuent à la pollution des incinérateurs par rejet de dioxines et de métaux lourds vaporisés.
De plus en plus de mesures
D’une manière générale, ce qui peut accélérer la recherche d’alternatives à ces matériaux, c’est l’interdiction de certains de ces polymères. En France, la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 prévoit l’interdiction de distribuer et de commercialiser des sacs de caisse plastiques à usage unique non biodégradables dès le 1er janvier 2010. Plusieurs initiatives régionales et internationales confirment cette tendance de fond de prise en compte de la protection de l’environnement qui s’inscrit dans la durée.
Ainsi, en mai 2003, l’Assemblée de Corse a voté une motion prônant la suppression des sacs non biodégradables. Les enseignes avaient rejoint cette première initiative française après un référendum auprès des clients des huit hypermarchés de l’île. La quasi-totalité de la grande distribution a remplacé les sacs de caisse jetables par des cabas tissés en plastique polypropylène, payés un euro et échangeables à vie contre un neuf, ou des sacs en Mater-Bi (bioplastique à base d’amidon de maïs et de polyesthers biodégradables).
Dans les Landes, en octobre 2005, le Conseil général, la Chambre des métiers et de l’artisanat, celle de commerce et d’industrie, les représentants de la grande distribution, les collectivités et les associations ont procédé à la signature de la charte départementale pour le remplacement des sacs de caisses jetables plastique par des sacs réutilisables ou biodégradables. Des démarches similaires ont été également prises ailleurs en France (Bouches-du-Rhône, Picardie, Bas-Rhin, Charente Maritime, Morbihan, et l’Île de Ré).
À l’étranger, des mesures de réduction des sacs utilisés ont été également prises. À titre d’exemple, en 2003, le gouvernement taïwanais a procédé à la mise en place d’une aide à la recherche et développement sur les matières de remplacement, d’un programme d’incitation auprès des industries pour utiliser des matières biodégradables, de la mise en place d’un partenariat avec les enseignes incitant les clients à amener leur sac, et par une interdiction de distribution gratuite des sacs plastiques dans les supermarchés, la restauration rapide et les grands magasins. L’Île Maurice, également confrontée à la pollution massive des sacs plastiques à usage unique, a décidé d’interdire leur fabrication et leur importation depuis le 1er octobre 2003 et oblige désormais les fabricants à produire des sacs plus épais qui pourront être réutilisés.
Les alternatives
Les préoccupations croissantes concernant le coût des combustibles fossiles et leurs répercussions sur l’environnement ont favorisé la recherche de solutions de remplacement des plastiques pétrochimiques, à savoir les biopolymères et les bioplastiques. Dans un premier temps, il s’agissait de développer des matériaux polymères traditionnels d’origine pétrochimique, tel le polyéthylène associé à un composé naturel biodégradable - amidon ou cellulose. L’ajout d’un catalyseur permet également de faciliter la rupture chimique des chaînes, permettant ainsi aux microorganismes de laisser un polymère biofragmenté.
Plus récents, les polymères dits oxobiodégradables contiennent un agent oxydant à la place du catalyseur pour favoriser la « biodégradation ». Néanmoins, ces substances ne répondent ni aux normes, ni aux labels sur la biodégradabilité des matériaux. Ces matériaux sont plutôt fragmentables et la présence d’additifs (métaux lourds) pourraient présenter un danger pour l’environnement.
Les matériaux polymères biodégradables
Les biopolymères sont présents dans des organismes vivants ou synthétisés par ceux-ci. Un polymère est un enchaînement de motifs simples (monomères) qui peuvent être identiques ou non. Ils comprennent notamment les polymères issus de ressources renouvelables, que l’on peut polymériser pour fabriquer des bioplastiques.
Les matériaux biodégradables présentent une capacité intrinsèque à être dégradés en présence des microorganismes, via un processus enzymatique de décomposition sous forme de CO2, H2O et/ou CH4 et une nouvelle biomasse.
Il existe deux types de biopolymères : ceux qui proviennent d’organismes vivants et ceux qui dérivent de ressources renouvelables mais qui doivent être polymérisés. On se sert des deux types pour produire les bioplastiques.
Les biopolymères issus d’organismes vivants
Ces biopolymères sont présents ou produits par ces organismes. Ils comprennent notamment des glucides et des protéines. La famille la plus importante est celle des polysaccharides, comme l’amidon, dont les sources principales sont le maïs, le blé, la pomme de terre et la cellulose. Une autre famille est constituée par les protéines issues des plantes oléagineuses (colza, tournesol, soja), des protéagineux (pois, féveroles), etc.
Par ailleurs, les bactéries sont l’un des types de microorganismes susceptibles d’être utilisés pour la fermentation. Ainsi, dans le cytoplasme des certains types de bactéries en condition de fermentation (biosynthèse), on trouve des biopolymères dérivant de réactions chimiques qui se déroulent naturellement. Les bactéries utilisent le sucre des plantes, le maïs par exemple, comme combustible pour réaliser ses processus cellulaires. Le procédé permet ainsi d’obtenir des polyesters à partir de bactéries dont les plus connus sont le polyhydroxybutyrate et le polyhydroxyvalérate.
Les biopolymères de ressources renouvelables synthétiques
Le plus connu est le polyacide lactique, qui dérive de la polymérisation de molécules d’acide lactique. Ce dernier est obtenu par fermentation du sucre, toutefois, le produit final est l’acide lactique plutôt qu’un polymère. On transforme ensuite l’acide lactique obtenu en acide polylactique par des méthodes de polymérisation classiques. Ces procédés consistent en une polycondensation par chauffage de monomères naturels ou identiques aux naturels.
Le marché des matériaux biodégradables
L’avenir reste prometteur pour les matériaux biodégradables, dont certains sont d’ores et déjà biocompostables selon la norme EN 13432 qui exige, entre autre, la biodégradabilité ultime de l’emballage sous certaines conditions de température et de temps et sans que les résidus de biodégradabilité influent sur la qualité du compost. Répondre à cette norme est déjà une difficulté en soi, aussi les utilisateurs d’emballages attendent des biodégradables que les propriétés mécaniques et le prix soient compatibles avec les marchés et machines actuelles.
Il est important de mentionner que la tendance générale du marché est à l’utilisation des ressources renouvelables et à la vente du concept. La production mondiale des polymères biodégradables n’a cessé de croître depuis les années 1990. Mais cette croissance reste très en deçà du marché des matières plastiques (environ 150 millions de tonnes dans le monde par an). Ainsi, on est passé d’une capacité de production de 500 tonnes en 1990 à 300 000 tonnes en 2006, dont la grande majeure partie est issue de ressources renouvelables (environ 250 000 tonnes)
Il faut noter que les matériaux renouvelables, et en particulier les bioplastiques, intéressent tous les grands groupes producteurs ou transformateurs de matière plastique. Le marché est dominé par les gros producteurs : l’américain Nature Works, l’italien Novamont et les allemands BASF et Biotec. D’autres se préparent à jouer un rôle important sur le marché, comme la société Biostarch grâce à un produit 100 % biodégradable et compostable, qui présente en outre l’avantage de se dissoudre totalement dans de l’eau chaude entre 60 et 80°C tout en étant capable de résister à une source de chaleur sèche. Pour les acteurs principaux, la tendance est à l’augmentation des capacités de production et à la baisse des coûts de production des matériaux existants, ceci afin de réaliser des économies d’échelle.
Par ailleurs, il paraît important d’anticiper dès aujourd’hui la gestion et le traitement des déchets qui pourraient résulter de l’arrivée massive de polymères biodégradables sur le marché. Notamment, la filière traitement biologique semble mieux adaptée puisque le principe d’autodestruction du produit sera exploité. Par exemple, ce caractère biodégradable pourrait être valorisé de manière avantageuse dans les filières de compostage dans les cas des emballages alimentaires associés aux biodéchets ou des sacs biodégradables.
Les domaines d’application
Les polymères biodégradables commencent à pénétrer avec succès certains marchés de niche, voire de masse. Par ailleurs, certains produits répondent déjà aux performances techniques attendues. On y retrouve notamment les sacs de collecte des déchets et les sacs réutilisables. En France, la récente loi sur l’interdiction des sacs de sortie de caisse et la préconisation des sacs réutilisables commencent à favoriser le marché des sacs biodégradables et réutilisables.
Par ailleurs, c’est le secteur de l’emballage ménager et de la restauration qui est le plus attrayant pour les matériaux biodégradables, en raison de grands enjeux économiques. Dans le domaine de l’emballage alimentaire, on trouve des produits bioplastiques pour l’emballage de toutes sortes de produits alimentaires, essentiellement sous forme de barquettes, de sachets, de films protecteurs et de filets. Dans le domaine de l’emballage à usage non alimentaire, on compte les films transparents, proposés pour emballer les produits de grande consommation, mais également les sacs publicitaires, les sacs poubelles, etc.
La restauration est également un secteur sur lequel se positionnent les produits biodégradables, notamment avec des produits comme les assiettes et couverts pour la restauration rapide.
Les bioplastiques trouvent aussi leur application dans le domaine de l’agriculture, par exemple sous forme des films pour paillage agricole. Ainsi, les produits biodégradables pourraient apporter des solutions avantageuses aux exigences environnementales rencontrées dans ces secteurs pour des raisons à la fois techniques, législatives et économiques.
La norme liée à la biodégradabilité
Actuellement, la seule référence normative permettant l’évaluation de la biodégradabilité des produits solides est la norme EN13432. Cette norme met en avant les exigences et les méthodes permettant de déterminer la possibilité de compostage et de traitement en s’intéressant à quatre caractéristiques : la biodégradabilité, la désintégration en cours de traitement biologique, l’effet sur le processus de traitement biologique et l’effet sur la qualité du compost ainsi obtenu.
Sur le marché, de plus en plus de marques de conformité délivrées par des organismes certificateurs privés apparaissent. Les plus connues sont, pour l’ Europe, OK compost par AIB VINCOTTE de Belgique et le label de compostabilité par l’organisme allemand Din Certco, tous deux adossés à la norme européenne EN 13 432. Ces marques certifient que les produits sont compostables dans une installation industrielle de compostage.
Informer et éduquer
L’attrait pour les matériaux polymères ou plastiques biodégradables est de plus en plus perceptible, comme en témoigne le nombre croissant de conférences annuelles consacrés à ce sujet (European Bioplastics Conference 2007 - Paris, novembre 2007-, Interpack 2008, Bioplastics In Packaging, The Interpack Group Exhibition - du 24 au 30 avril 2008, Dusseldorf).
Aujourd’hui, l’un des freins à l’utilisation des sacs biodégradables réside dans la difficulté à identifier ces emballages ou ces sacs dans la mesure où toute erreur de tri peut détériorer la qualité du compost produit. Par conséquent, pour réussir une telle politique, il est nécessaire d’informer et d’éduquer le public sur les avantages et les inconvénients de tels produits, sur l’importance de procéder à la séparation des fractions des déchets compostables à la source.
L’utilisation du sac biodégradable permet de limiter grandement les effets néfastes sur l’environnement 1iés à la fabrication et à l’utilisation des plastiques. En outre, des propriétés comme la biodégradabilité rendent plus acceptable l’usage prolongé de ces produits par la société.