La gestion de la spasticité

Sun Feb 5, 2012

La prévention de l'aggravation ultérieure de la spasticité est très importante dans le cadre de la gestion. On peut l'empêcher de s'aggraver en évitant les stimuli nuisibles, comme les escarres de décubitus, la rétention urinaire, la constipation, l'infection et la douleur, ainsi qu'au moyen d'une éducation adéquate du patient et de l'aidant en matière de positionnement, d'une inspection périodique de la peau, d'une gestion efficace de la vessie et des intestins, d'un positionnement adéquat, d'étirements quotidiens afin de maintenir le degré d'amplitude articulaire, d'un plâtre (Pizzi et coll. 2005, Turner-Stokes et Ashford 2007), d'un plâtrage en série, de la stimulation électrique fonctionnelle, de la rééducation motrice et de la rétroaction biologique.

Les interventions médicales

Toutes les interventions médicales viennent s'ajouter au programme de traitement physique, au retrait des stimuli aggravants et à l'éducation du patient et de l'aidant.

Les médicaments oraux

Les agents oraux sont utiles dans le traitement de la spasticité légère à modérée. La méthode ayant recours au baclofène et au dantrolène sodique n'a pas beaucoup changé au fil des années (Tardieu et coll. 1988, Cracies et coll. 2002), mais on a assisté à l'émergence de certains nouveaux produits. Quarante pour cent des patients sont incapables de tolérer les agents oraux en raison des effets secondaires ou de produire un effet anti-spastique adéquat avant que les effets secondaires ne surviennent.

Le baclofène

Le baclofène est un analogue structural de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) qui se fixe aux récepteurs GABA-B présynaptiques et postsynaptiques (Hwang et Wilcox 1989, Prince et coll. 1984). Le baclofène est utilisé comme médicament anti-spastique depuis plus de 30 ans et la plupart des essais cliniques de plusieurs pays comprenant surtout la participation de patients atteints de sclérose en plaques et de lésions médullaires ont permis de prouver que le baclofène se révèle assez efficace lorsqu'il s'agit de réduire la spasticité et les spasmes soudains et douloureux en flexion (Hudgson et coll. 1971).

Le dantrolène sodique

Le dantrolène agit en périphérie sur les fibres musculaires. En empêchant la libération des ions de calcium stockés dans le réticulum sarcoplasmique, il dissocie le couplage excitation-contraction et diminue la force de la contraction musculaire (Pinder et coll. 1977). Le dantrolène est généralement privilégié pour le traitement de la spasticité en la présence de lésions supramédullaires, comme les accidents vasculaires cérébraux, les traumatismes cranio-cérébraux ou la paralysie cérébrale. Certains cliniciens ont laissé entendre que les patients ayant subi un accident vasculaire cérébral sont plus susceptibles de connaitre des améliorations en ayant recours au dantrolène (Chyatte et coll. 1971, Ketel et Kolb 1984). On a également indiqué que les patients blessés médullaires répondent également de façon favorable au dantrolène (Weiser et coll. 1978), mais que celui-ci était moins efficace chez les patients atteints de sclérose en plaques (Gelenberg et Poskanzer 1973).

Le dantrolène sodique est associé à l'hépatite symptomatique idiosyncrasique qui n'est fatale que dans 0,1 à 0,2 % des cas (Utili et coll. 1977, Wilkinson et coll. 1979), d'où la nécessité d'effectuer des examens des fonctions hépatiques de façon périodique au cours de la thérapie au dantolène.

Les benzodiazépines

L'effet anti-spastique des benzodiazépines est médié par les récepteurs GABA-A. Parmi les types de benzodiazépines, le diazépam fut le premier médicament anti-spastique utilisé dans la pratique clinique, mais il est rarement utilisé aujourd'hui en raison de ces effets sédatifs diurnes. Il s'avère efficace et se compare bien au baclofène chez les patients atteints de sclérose en plaques et les blessés médullaires (Ketelaer et Ketelaer 1972). Les autres substances analogues aux benzodiazépines, comme le clonazépam, sont utilisés dans le traitement de l'épilepsie et ont été comparées au baclofène surtout chez les patients atteints de la sclérose en plaques (Cendrowski et coll. 1977). Son efficacité est comparable à celle du diazépam, mais il est moins bien toléré en raison de ses effets secondaires, comme les effets sédatifs, la confusion et la fatigue, entrainant l'interruption plus fréquente de l'usage de ce médicament.

La tizanidine

Il s'agit d'un dérivé de l'imidazoline ayant une action agonistique aux sites des récepteurs α-2 adrénergiques centraux. Un certain nombre d'études ont clairement démontré son avantage dans le traitement de la spasticité en raison de la présence de patients atteints de sclérose en plaques et de blessures médullaires, mais aucune amélioration fonctionnelle concrète n'a été prouvée (Smith et coll. 1994, Nance et coll. 1994, United Kingdom Tizanidine Trial Group 1994). Son efficacité est également comparable à celle du baclofène chez les patients atteints de sclérose en plaques et les blessés médullaires (Hassan et McLellan 1980, Smolenski et coll. 1981, Newman et coll. 1982, Stein et coll. 1987). Son efficacité est semblable à celle du diazépam dans le traitement de l'hémiplégie en raison de la présence de patients ayant subi un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme cranio-cérébral chez qui il a permis une amélioration considérable de la capacité de marcher sur une grande distance (Bes et coll. 1988). La tizanidine avait également un profil favorable d'effets secondaires, bien que la sédation en demeure l'effet secondaire le plus important (Wagstaff et Bryson 1997).

Des hallucinations visuelles et des anomalies dans les examens de la fonction hépatique surviennent également accompagnées d'un accroissement cliniquement significatif des enzymes hépatocytaires chez 5 à 7 % des patients (Wallace 1994). Une évaluation de l'examen de la fonction hépatique est donc recommandée avant le début du traitement à la tizanidine et un mois suivant le traitement.

La gabapentine

La gabapentine est efficace lorsqu'il y a présence de douleur et qu'une dysesthésie corticale donne lieu à des stimuli sensoriels anormaux. Comme d'autres agents oraux, elle est mal tolérée chez une proportion significative de patients et son usage est donc restreint.

Le cannabis

L'efficacité des cannabinoïdes dans le traitement de la sclérose en plaques restent encore à prouver (Killestein et coll. 2004). La plupart des données démontrant que les cannabinoïdes pourraient soulager les symptômes de la spasticité s'avère des cas isolés. L'étude récente sur le recours aux cannabinoïdes dans le traitement de la sclérose en plaques (CAMS study) comparait l'administration d'un médicament à base d'extrait de cannabis et de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) avec celle d'un placebo chez 667 patients atteints de sclérose en plaques stable et de spasticité musculaire dans 33 centres du Royaume-Uni sur une période de 15 semaines. L'évaluation des premiers résultats a révélé un changement dans l'échelle Ashworth. Le traitement aux cannabinoïdes n'a eu aucun effet bénéfique sur la spasticité, mais il y avait un effet thérapeutique démontré sur la spasticité et la douleur selon les patients (Killestein et coll. 2004).

La médication par voie intrathécale

Le baclofène par voie inthratécale

Le traitement consiste en l'installation par chirurgie d'une pompe électronique programmable à l'intérieur de la paroi abdominale antérieure fixée à un cathéter sous-cutané enroulé autour du tronc et insérée dans le canal rachidien au niveau du segment L 2-3. Le cathéter est ensuite placé à un niveau situé entre D8 et D10. Cela permet au baclofène d'être administré à son site d'action dans la moelle épinière, à des concentrations plus élevées que ne le permet l'administration par voie orale et sans les effets secondaires prévus sur le système nerveux central (Pen et Kroin 1985).

La principale indication est dans le traitement des personnes paraplégiques et tétraplégiques qui sont incapables de tolérer ou de répondre adéquatement aux médicaments antispastiques oraux. Il est particulièrement efficace chez les patients ayant subi un traumatisme cranio-cérébral ou une blessure médullaire qui n'ont pas de capacités fonctionnelles résiduelles, mais les réglages de la pompe rendent également possible l'administration de doses très précises pour permettre aux personnes pouvant se déplacer de faire l'équilibre entre l'effet affaiblissant du baclofène et la spasticité nécessaire pour supporter le poids de leur corps et favoriser la mobilité articulaire.

Le phénol par voie inthratécale

On administre, en de rares occasions, du phénol à cinq pour cent de glycérine par voie inthratécale pour la gestion de la paraplégie. Le phénol est indiqué seulement pour les personnes atteintes de maladies progressives qui sont réfractaires aux autres traitements antispastiques, qui ont perdu la fonction ambulatoire et qui sont incontinents (par exemple, des patients atteints de sclérose en plaques en phase terminale). Le blocage est habituellement indolore, car le phénol exerce un effet anesthésique local et la procédure peut être répétée au besoin.

La chémodénervation

La neurolyse chimique désigne un processus de destruction des nerfs. L'injection périneurale des nerfs moteurs avec une solution contenant de 3 à 6 % d'eau bloquent la transmission de l'influx nerveux à certains groupes musculaires. L'injection a d'abord un effet anasthésique local, qui est suivie par un blocage une heure plus tard, au fur et à mesure que s'opère la coagulation des protéines et l'inflammation (Kelly et Gautier-Smith 1959). Une dégénérescence wallérienne survient ensuite avant de guérir par fibrose, ce qui laisse le nerf avec environ un quart de son fonctionnement en moins, sans toutefois désavantager les personnes avec peu ou pas de capacités résiduelles, car une légère dénervation progressive peut s'avérer bénéfique pour réduire la spasticité (Burkel et McPhee 1970). L'effet dure pendant une période de 4 à 6 mois, et la reprise de la suractivité musculaire est probablement due à la régénération nerveuse (Bodine-Fowler et coll. 1996). La dénervation est indiquée comme solution de rechange à l'injection de toxine botulique ou à la chirurgie dans le traitement des atteintes focales (Kirazli et coll. 1998). Les inconvénients de cette technique sont le temps d'injection relativement plus long et la possibilité d'une dysesthésie si le phénol est injecté près des fibres nerveuses sensorielles.

Le blocage neuromusculaire

La toxine botulique (BoNT) est injectée dans les muscles cibles suractifs qui sont responsables de ce tableau clinique. Il s'agit d'une neurotoxine puissante qui inhibe la libération des neurotransmetteurs chimiques en interrompant le fonctionnement du complexe SNARE nécessaire à l'exocytose des vésicules synaptiques (Tardieu et coll. 1988). Cette technique convient pour le blocage de la transmission neuromusculaire à long terme par le biais de l'inhibition de la libération d'acétylcholine. Elle provoque une paralysie musculaire pendant une période de trois à quatre mois pouvant être prolongée par l'adoption d'un programme d'activité physique. La toxine traversera environ quatre ou cinq sarcomères avant d'atteindre la jonction neuromusculaire et il est possible de l'observer à cet emplacement après environ 12 heures. L'effet clinique de la toxine est observé vers le quatrième jour et fonctionne avec certitude le septième jour. La toxine fonctionne de façon optimale après un mois et produira un effet clinique pendant trois à quatre mois. L'effet final est le réveil et la relaxation de la suractivité musculaire chez les personnes souffrant des effets d'un syndrome pyramidal. On observe un changement biomécanique dans le fonctionnement du muscle qui devient maniable pour l'étirement et l'allongement. De plus, le réveil musculaire donne l'occasion de renforcer les muscles antagonistes et, de cette façon, il est possible de restaurer une partie de l'équilibre entre les deux. On utilise le guidage électromyographique pour repérer avec précision les muscles plus petits. Les contre-indications à l'injection de toxine botulique comprennent une intolérance à la toxine botulique, la prise d'antibiotiques aminoglycosides, la présence d'une myasthénie grave, d'un syndrome de Lambert-Eaton, d'un syndrome pyramidal et d'une apraxie palpébrale (paupières supérieures).

Chirurgie

Les procédures chirurgicales utilisées comprennent la rhizotomie, la neurectomie périphérique, les procédures neuro-ablatives, les « neurostimulateurs électriques centraux », la cordotomie, la cordectomie, la myélotomie, la ténotomie, l'allongement et le transfert tendineux.