Le dysfonctionnement sexuel et les stratégies de traitement
Sun Mar 18, 2012Par le recueil de l'anamnèse sexuelle, l'entretien avec le client et la conduite de quelques évaluations préliminaires, le professionnel sera en mesure de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la ou des préoccupations du client. Chaque incapacité, chaque dysfonctionnement et chaque maladie affectera différemment les personnes. Le professionnel doit comprendre les types de dysfonctionnements que peut expérimenter le client, et plus important encore, les symptômes et les expériences du dysfonctionnement seront propres à chaque client. Cette partie traite de certains des dysfonctionnements les plus courants chez les hommes et les femmes, des causes possibles et de quelques stratégies de traitement possibles (Fifield et Esmail 2000).
Les dysfonctionnements sexuels se divisent en trois catégories principales: les dysfonctionnements de nature organique, psychogénique et culturelle/interpersonnelle (Fifield et Esmail 2000). Les dysfonctionnements organiques comprennent les traumatismes physiques, la maladie, les différences développementales, la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues et les changements hormonaux. Ces causes devraient être examinées attentivement avant de chercher d'autres causes possibles. Les dysfonctionnements psychogéniques peuvent être occasionnés par une faible estime de soi-même, une confiance en soi peu élevée, des valeurs personnelles contradictoires, un passé d'abus sexuel, l'anxiété ou le manque d'information. Les deux premières causes sont les causes les plus fréquentes de dysfonctionnement sexuel. La troisième raison expliquant le dysfonctionnement concerne les enjeux culturels et interpersonnels. Ces problèmes peuvent être issus des valeurs répressives envers la sexualité de certaines sociétés, des sentiments ou croyances de la personne/du couple et d'un manque d'expérience sexuelle ou d'information. En évaluant une préoccupation à caractère sexuel d'un client, on doit examiner l'évolution du problème afin de déterminer s'il s'agit d'un problème permanent ou chronique, récent et constant ou s'il dépend du contexte ou de la situation, par exemple, selon le partenaire ou l'endroit où le client se trouve. Le dysfonctionnement peut également être primaire ou secondaire, c'est-à-dire s'il est toujours présent ou s'il survient de façon périodique (Fifield et Esmail 2000).
Le graphique ci-dessous illustre l'évolution du problème et s'avère utile pour évaluer la cause et l'évolution du dysfonctionnement sexuel.
Les troubles de la sexualité féminine (American Psychiatric Association 2000)
Les troubles de l'excitation sexuelle: excitation et lubrification vaginale insuffisantes
Ces troubles peuvent être causés par le diabète, les niveaux peu élevés d'estrogène, certains troubles neurologiques comme les blessures médullaires, l'anxiété ou le stress excessif, l'usage de substances telles que médicaments, alcool et stupéfiants, ou à de mauvaises expériences d'abus sexuel. Les causes physiques des troubles de l'excitation sexuelle peuvent être traitées par une intervention médicale, alors que la sexothérapie réduit l'anxiété liée à la performance et le counseling relationnel inclut tous les êtres chers et les partenaires.
Les troubles orgasmiques (anorgasmiques et pré-orgasmiques): la difficulté ou l'incapacité d'atteindre l'orgasme
Les troubles orgasmiques peuvent être causés par la culpabilité ou l'anxiété liée au plaisir sexuel ou par une stimulation clitoridienne insuffisante. Ce dysfonctionnement dépend souvent de la situation : par exemple, un client peut atteindre l'orgasme en se masturbant, mais pas au cours de l'acte sexuel. Les options thérapeutiques possibles pourraient comprendre le counseling et l'éducation dans le but de contrer l'attitude négative envers l'activité sexuelle, d'encourager l'exploration de son propre corps et la massothérapie, d'éduquer le client et ses proches ou ses partenaires sur la réponse sexuelle féminine, et de l'éduquer ou le conseiller sur d'autres options sexuelles et sur le recours à des dispositifs telles que des vibrateurs.
La dyspareunie: relation sexuelle ou coït douloureux
La cause la plus fréquente de la dyspareunie est l'insuffisance de la lubrification vaginale. Elle peut également être causée par des infections vaginales ou transmissibles sexuellement, des atteintes inflammatoires pelviennes, une endométriose, entre autres. Les causes physiques de ces affections sont traitées par une intervention médicale, en ayant recours à des lubrifiants solubles, par le counseling pour les causes de nature psychologiques comme la faible estime de soi ou l'anxiété, et par l'éducation sur les techniques sexuelles pour le client, ainsi que ses proches ou ses partenaires, comme la prolongation des préliminaires.
Le vaginisme: contractions involontaires des muscles pelviens entourant le tiers externe du canal vaginal
Cette affection est causée le plus fréquemment par une crainte de la pénétration vaginale et est souvent liée à des antécédents d'agression ou d'abus sexuel. Le vaginisme se traite par le recours à des dilatateurs vaginaux en plastique, en encourageant la cliente à prendre l'initiative des activités sexuelles et à adopter la position au-dessus et en ayant recours au counseling axé sur les agressions ou les abus sexuels subis.
Les troubles de la sexualité masculine (American Psychiatric Association 2000)
Troubles érectiles: l'incapacité d'avoir et de maintenir une érection suffisamment ferme pour la pénétration
Environ la moitié des personnes qui connaissent un dysfonctionnement érectile ont des problèmes psychologiques. Les autres causes les plus fréquentes sont le diabète (50 % des hommes atteint de diabète connaissent une certaine forme de dysfonctionnement érectile), le stress et la fatigue, les niveaux peu élevés de testostérone, des problèmes de nature vasculaire et circulatoire, des problèmes généraux de santé physique, la consommation ou la dépendance à des substances comme les médicaments, l'alcool et les stupéfiants, ainsi que l'anxiété liée à la performance sexuelle ou un trouble neurologique comme une blessure médullaire. Les stratégies de traitement possibles sont: une intervention médicale pour les causes physiques, soit le recours à des médicaments, des anneaux péniens, des dispositifs d'érection pénienne, des suppositoires urétraux et l'insertion chirurgicale de tiges souples ou gonflables dans les corps caverneux du pénis. De plus, la psychothérapie mettant l'accent sur la réduction de l'anxiété pour permettre de régulariser la réponse sexuelle peut s'avérer utile. Elle peut comprendre la focalisation sensorielle du langage corporel, entre autres.
L'éjaculation précoce: l'incapacité de retarder volontairement une éjaculation
Il y a un certain nombre de causes psychologiques à l'origine de ce dysfonctionnement, comme le fait de se masturber en secret dans le but d'obtenir une satisfaction immédiate ou d'avoir vécu une première expérience sexuelle dans des situations qui étaient loin d'être idéales. Les causes physiques de l'éjaculation précoce, comme les troubles neurologiques, doivent également être envisagées comme des causes possibles. Le but du traitement de l'éjaculation précoce est d'entrainer l'homme à se concentrer sur ce qu'il ressent. Le fait de se concentrer lui apprend à anticiper le moment de l'orgasme et à retarder son éjaculation jusqu'au moment choisi pour éjaculer. Il existe deux méthodes de concentration : la technique « arrêt-départ » (stop and go) et la technique de pincement du pénis (squeeze technique).
L'impuissance: l'incapacité d'éjaculer à la suite de la pénétration malgré une érection et une excitation adéquates
Ce trouble est principalement causé par des problèmes psychologiques, comme l'anxiété à l'égard de la pénétration et de l'éjaculation. Le traitement peut mettre l'accent sur les raisons psychologiques expliquant l'impuissance. Une approche comportementale, comme la focalisation sensorielle du langage corporel, est souvent utile.
La dyspareunie: douleur génitale récurrente ou persistante avant, pendant et après la pénétration
Il s'agit d'un dysfonctionnement sexuel rare qui est habituellement associé à des affections organiques comme l'herpès, la prostatite et la maladie de La Peyronie. Les stratégies de traitement devraient mettre l'accent sur une intervention médicale afin de traiter les causes organiques sous-jacentes.
Lorsque l'on aborde les préoccupations entourant la sexualité, peu importe la nature du problème ou du dysfonctionnement, le professionnel de la réadaptation doit mettre l'accent sur les quatres aspects suivants:
- Changer les attitudes
Beaucoup de clients et de couples peuvent avoir des idées bien arrêtées sur les relations sexuelles et physiques. Ces idées préconçues peuvent se présenter dans la façon dont le couple estime que les relations sexuelles doivent avoir lieu et au moment qu'il juge opportun. Le handicap/incapacité modifie de nombreux aspects de la vie, et la manière dont les partenaires se livrent à l'activité sexuelle est également très susceptible de se transformer et nécessite donc que le client ajuste ses attitudes. - Fournir de l'information
Il est important de prioriser la prestation d'information relatives aux différentes techniques, positions et dispositifs susceptibles d'améliorer l'expérience sexuelle du client. Il est essentiel d'éduquer le client. - Donner la permission
Comme il en a été question dans le modèle P-LI-SS-IT, il est nécessaire de donner et d'obtenir la permission auprès de votre client et de son ou sa partenaire. Il faut également que le client et son ou sa partenaire se donne la permission mutuelle d'explorer de nouvelles positions ou de nouvelles techniques lorsqu'une incapacité ou une maladie est en jeu. - Réduire l'anxiété
Informer le client sur les options concernant le sexe et les relations intimes en leur offrent des ressources, une intervention adéquate et des solutions de rechange permettra de réduire l'anxiété associée à la reprise de l'activité sexuelle suivant une atteinte ou une maladie. Il est possible que de nombreux clients ne connaissent pas leur potentiel et leur capacité de performer sur le plan sexuel et que l'on doive les rassurer.
On arrive à prendre en charge et à corriger les dysfonctionnements sexuels par le biais de l'intervention et du traitement. En somme, les objectifs de la personne ayant des incapacités et de son ou sa partenaire devraient être :
- d'apprendre à mieux connaitre ses propres sensations et celles de son ou sa partenaire;
- d'apprendre à apprécier son propre corps et celui de l'autre;
- de développer une plus grande satisfaction dans les expériences physiques communes;
- d'accroitre l'intimité, tant émotionnelle que physique;
- de renforcer la capacité de discuter ouvertement de ses pensées et de ses sentiments de nature sexuelle
- de renforcer sa confiance en elle afin d'arriver à parler ouvertement d'autres types de comportements sexuels.