Quelques conséquences de la réadaptation
Sun Jan 15, 2012Devenir conscient de " sa spiritualité "
Le défi, décrit au début de cet article, à l'effet que les systèmes de réadaptation devraient tenir compte d'une partie de " la spiritualité " demeure difficile à réaliser dans le secteur moderne confus, changeant, sécularisant et fragmenté de chaque pays. Il constitue néanmoins un défi et un objectif tout autant attirant pour le personnel de la réadaptation souhaitant perfectionner leurs connaissances professionnelles et offrir un service plus humain, plus complet et tenant davantage compte des particularités culturelles (Underwood 1999). S'il se peut que le personnel n'ait pas lui-même de croyances religieuses de quelque nature que ce soit, il est également possible de maintenir la voie ouverte au développement d'une meilleure compréhension du spectre de " l'amplitude du mouvement " dans la pensée, la foi, la spiritualité et la pratique religieuse d'autrui. Certains " gemmes culturels " se trouvant dans l'héritage religieux, spirituel et philosophique peuvent être retaillés et polis pour apporter un éclat nouveau aux expériences d'invalidité, de réadaptation et d'insertion sociale de l'être humain, ou en illuminer une perspective différente, pour lui permettre de mener une existence satisfaisante en vivant avec certaines caractéristiques en marge de la norme. L'étude et les écrits à propos de ces enjeux et de ces problèmes remontent à loin dans l'histoire et ceux-ci sont encore aujourd'hui irrésolus; mais les premiers débats et accommodements ont leur utilité. Des développements modernes peuvent être proposés, non pas comme des innovations radicales avec des idées séculaires " dangereuses ", mais comme une récupération de la sagesse antique mondiale dans le but de la reconstruire et de la rafraîchir pour la génération suivante.
Recherche sur le " redressement religieux et spirituel "
De plus en plus d'études sont menées (apparaissant dans la plupart des bases de données spécialisées en médecine, en sciences sociales et en religion) afin de vérifier si les facteurs religieux et spirituels pourraient avoir un effet mesurable sur la maladie, le handicap et la réadaptation, que ce soit en augmentant ou en diminuant la participation et le respect des clients envers leur traitement influençant ainsi la vitesse de leur déclin, de leur réadaptation ou de leur rétablissement, et améliorant la qualité de vie telle que rapportée par ces derniers ou la qualité des réponses de leurs communautés. (Des axes de recherche en neuropsychologie et dans d'autres domaines nécessiteraient une discussion et une expertise approfondies et ne seront donc pas traités ici. Il est toutefois possible qu'ils soient mentionnés dans d'autres articles de la présente encyclopédie). Il n'est pas surprenant que de grandes difficultés se soient présentées dans la définition de facteurs pertinents et la production de mesures valides, jusqu'à en être largement crédibles. Là ò les chercheurs espèrent démontrer une corrélation entre la croyance religieuse et le rétablissement du corps et de l'esprit, cela ne fait aucun doute que le protocole expérimental aurait avantage à tenir compte du regard sceptique d'athées intelligents au préalable, plutôt que de simplement faire face à leur incrédulité par la suite. Là ò les chercheurs espèrent identifier un mécanisme neurologique ayant une corrélation avec une activité religieuse, ils devraient également accueillir le scepticisme des croyants religieux envers toute prétention réductionniste d'identifier le " réflexe de Dieu " ou le " gène de Dieu ". L'éminent philosophe athée Daniel Dennett (2007, 272-277) a souligné un tel combat partagé et il semble apparemment très ouvert à la découverte de preuves que la religion pourrait être " bonne pour la santé ", en anticipant, bien sûr, que les avantages obtenus des mécanismes physiques et psychosomatiques ne soient ni d'origine divine ni ne nécessitent une intervention de la même nature.
Convergence et divergence éthique
À travers l'histoire des réactions envers le handicap et les personnes ayant des incapacités, les diverses religions et philosophies du monde se sont entendues sur divers points. À certains moments, elles sont capables de présenter un front commun de soutien que l'on juge actuellement comme étant un comportement ou une pratique de réadaptation " éclairé(e) et inclusif(ve) ". Il semble également y avoir une dose de divergence constante, car il devient évident que certaines théories religieuses, rabaissées au rang de vieilles superstitions moribondes par les intellectuels modernes, ne disparaitront pas, ni ne se prêteront aux négociations. Les théories complexes du karma et du cycle des renaissances entrent dans cette catégorie et sont encore pertinentes pour les réflexions à propos du handicap. De telles théories semblent suffisamment raisonnables et logiques pour environ un demi-milliard d'adultes, qu'ils vivent dans un contexte rurale traditionnel (Sharma 1973) ou parmi des intellectuels urbains ayant une solide éducation et une excellente connaissance des sciences et des philosophies occidentales modernes (Potter 1983). Les explications scientifiques traitent essentiellement de probabilités statistiques et n'ont pratiquement aucun contenu moral ou de " raisons de vivre ", alors que les explications karmiques sont liées directement au contenu moral et spirituel de la vie et du comportement des gens. Chaque type d'explications affiche une certaine souplesse, traitent de forces et d'entités invisibles, répond à certains aspects de la recherche humaine de modèles dans les circonstances de la vie et attire les gens qui ont été élevés dans un monde conceptuel appuyant ce genre d'explications.
Une réadaptation holistique et conviviale?
Dans certaines parties du monde urbain, une longue tradition de traitement pratique de réadaptation a été délaissée et les thérapeutes en formation apprennent plutôt comment installer les clients sur des appareils dispendieux. Si l'approvisionnement en électricité de la ville est fonctionnel et que l'appareil n'est pas défectueux, celui-ci applique un type de rayons invisibles sur le corps du client. Les praticiens peuvent également personnaliser leur appareil en fixant à l'intérieur, de manière stratégique, une petite ampoule rouge fonctionnant à piles qui produit une chaleur incandescente réconfortante pour les clients qui croient alors obtenir leur dû en technologie de pointe. (Les praticiens réaliseront probablement que l'ampoule fonctionne assez bien lorsqu'il y a une panne d'électricité, ou que l'appareil se dérègle; on économise donc également sur le coût de remplacement des pièces défectueuses). La foi semble être la clé dans cette histoire: la foi en la technologie, la foi en les bienfaits des rayons, l'élimination de la touche délicate, faillible et personnelle de l'homme; la foi en l'effet placebo; la foi en la satisfaction des attentes superficielles des clients; la foi en l'optimisation des profits.
On semble reconnaitre, à l'encontre de tels dispositifs et de telles déceptions, que l'étrange spectre de l'esprit et du corps peut réaliser une grande partie de sa propre guérison, ou encore être plus ouvert aux bienfaits de forces invisibles, si le praticien offre de la bienveillance et des encouragements en guise de réaction. Il peut susciter l'espoir, la résilience et le renforcement du système immunitaire chez les clients; écouter attentivement leurs croyances et approuver les éléments qui lui semblent positifs ou sans danger; devenir le type de guérisseur que chacun semble souhaiter; reconnaître la dignité humaine en chaque personne, tout en les guidant aimablement vers des pratiques thérapeutiques, des diètes, des exercices, des programmes de réadaptation et la participation sociale fondées sur des données probantes. Les praticiens formés dans ce domaine seront bien informés des sanctions éthiques s'ils osent imposer leurs croyances personnelles ou leur philosophie aux clients, surtout dans le cas de ceux qui vivent une période de transition particulièrement vulnérable. Par contre, cela ne veut pas dire qu'il faille dissimuler la présence humaine derrière un masque professionnel, mais plutôt que cette présence doit s'imposer avec retenue, respect et une certaine considération.
Il est également possible de citer la remarque prudente attribuée à Mahomet: " Aie confiance en Allah, mais attache d'abord ton chameau " (ou un équivalent peut-être plus moderne : " Crois en Dieu, mais fais vacciner ton enfant "). Si le traitement de réadaptation se poursuit pendant quelque temps sans résultat apparent, et que la question des résultats devient de plus en plus pressante, il se peut que les praticiens (peu importe leur confession religieuse) proposent d'autres types de thérapie ou d'adaptation. Mais pour être honnête, et afin de respecter les réalités économiques de la vie de nombreux clients, le praticien devra probablement examiner comment la vie de ses clients se déroulera avec leur déficience ou leur souffrance actuelle ou un accroissement de celles-ci, ainsi que les ajustements et les ressources disponibles pour les alléger. Les croyances personnelles, l'âge, l'expérience et la position qu'une personne occupe dans la vie font inévitablement partie de l'équation. Le client athée âgé, pour qui la vie est essentiellement un courant d'électrons formant des schémas passagers dans un néant dépourvu de sens, n'aurait probablement d'autre réaction amicale que d'écouter les schémas passagers que cette personne a trouvés utiles et agréables au cours de sa vie. Pour le client vivant dans un contexte religieux, il y a dans la plupart des religions d'autres bribes de croyances offrant de l'espoir et dans lesquelles la souffrance peut être considérée comme une soumission à une divinité, comme le lot commun de toute l'humanité, comme un test pour l'âme, comme une préparation à une existence spirituelle au-delà de la mort, ou comme d'autres interprétations permettant d'endurer cette souffrance avec dignité et courage. Pour conclure, voici encore une fois une citation de Nosek (1995) à propos de la spiritualité et de la réadaptation: " Les deux constituent des voies menant à définir qui nous sommes, quelle relation nous entretenons avec notre univers et là ò nous nous dirigeons. "