SIDA

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Sida : un vaccin thérapeutique en cours d’élaboration

Sun Jan 8, 2012

Oublié malheureux du prix Nobel de médecine, le Professeur Jean-Claude Chermann est pourtant co-découvreur du virus VIH. Proche d’un vaccin, le Professeur explique ses recherches.

Vous êtes un des chercheurs à ne pas avoir choisi la voie vaccinale classique à partir du virus VIH, expliquez-nous pourquoi ?

Professeur Jean-Claude Chermann : Ça fait vingt ans que je travaille là-dessus. Quand j’ai quitté l’Institut Pasteur en 1988, je me suis rendu compte de deux choses. La première est que le virus changeait tout le temps d’un individu à l’autre et au sein même d’un individu. Donc la voie vaccinale basée sur un morceau du virus était vouée à l’échec. D’ailleurs, on le voit bien en ce moment.
La deuxième était qu’il n’y avait pas de modèle animal. Chez le chimpanzé, le virus se répliquait mais ne donnait pas de maladie. Quant au macaque, le virus donnait bien une maladie mais qui n’était pas comparable au sida humain.
J’ai alors décidé de créer une unité Inserm à Marseille pour travailler avec des patients séropositifs. Je me suis surtout intéressé à ceux qui présentaient un état immunologique stable, c’est-à-dire pas de baisse des défenses immunitaires, des années après leur contamination. Je les ai appelé les « non-progresseurs ».

Qu’avez-vous découvert chez ces séropositifs « non progresseurs » ?

Mon objectif était de comprendre pourquoi la maladie ne se développait pas chez eux et donc définir les mécanismes de non progression.
Mon autre projet était de découvrir ce qu’il y avait en commun entre toutes ces différentes souches de virus.
J’ai trouvé que le virus VIH, en bourgeonnant, emportait avec lui un antigène cellulaire [ndlr : une protéine] qui se retrouvait donc à sa surface. L’intérêt de cet antigène cellulaire est qu’il n’est pas codé ou produit pas le virus ; il est donc universel à toutes les souches virales.
On avait trouvé notre point commun.
Chez les séropositifs « non-progresseurs », nous avons découvert la présence d’anticorps qui se fixaient sur cet antigène cellulaire, neutralisant ainsi le virus. On parle d’anticorps protecteurs.

Pourquoi la communauté scientifique ne vous a pas suivi dans cette voie ?

Tout est une question de mode, même dans la science. Ça n’était pas d’actualité fin des années 80, milieu des années 90. En 1996, il y a eu l’arrivée des anti-rétroviraux. On disait qu’il fallait systématiquement traiter tout le monde y compris dès la rupture du préservatif.
Maintenant, on se rend compte des effets secondaires que cela provoque et surtout de l’existence de virus résistants. Donc, on ne traite plus immédiatement.

Où en êtes-vous actuellement dans vos recherches ?

Nous sommes en train de développer un test de pronostic de développement ou non de la maladie chez un séropositif. On saura si le patient est « progresseur » ou « non-progresseur » (il y en a environ 25 %), ainsi on mettra en place ou non un traitement. Il faut éviter de placer sous rétroviraux des « non-progresseurs » car certains traitements éliminent les anticorps protecteurs.
Nous sommes également en cours de production d’anticorps. Une fois que les résultats seront positifs chez l’homme, nous procéderons au vaccin thérapeutique pour les patients séropositifs en échec de traitement, chez qui le virus résiste.

Quand commencerez-vous les essais cliniques ?

Ils étaient prévus début 2009. Nous avons actuellement un problème dans la phase de production des anticorps. Nous avons des agrégats, parfaitement impossible à injecter. Il faut revoir les méthodes de purification... Je ne sais pas combien de temps cela va prendre pour surmonter ces problèmes industriels de production. Je préfère perdre plusieurs mois mais être sûr à 100 % de la stabilité et de la fiabilité des anticorps avant des les injecter à des patients.

A quand le vaccin préventif ?

La priorité pour le moment est de soigner les séropositifs en échec thérapeutique. Il faut faire remonter impérativement leurs défenses immunitaires. Une fois que le vaccin thérapeutique sera un succès, nous pourrons ensuite réaliser un vaccin prophylactique, c’est-à-dire qu’il protégera non seulement dans le sang, mais aussi dans les muqueuses.

Sera-t-il un jour possible de guérir un séropositif ?

Je suis incapable de vous répondre. En 20 ans de suivi, les patients « non-progresseurs » sont toujours séropositifs mais ils vont bien ; leur charge virale est extrêmement basse. Est-ce qu’en augmentant les anticorps protecteurs par le vaccin thérapeutique, cela les guérira ? Je ne sais pas, mais c’est quelque chose qu’il faut regarder.
De toute façon, le seul moyen de soigner ou d’éliminer une maladie virale est le vaccin. C’est ainsi qu’on a pu éradiquer la polio ou encore la variole.

Suite à la mésaventure du prix Nobel de médecine, vous avez rencontré, en octobre, le président de la République, Nicolas Sarkozy. Que vous a-t-il dit ?

J’ai obtenu la reconnaissance de la nation, ce qui n’est pas rien. Il m’a aussi promis une aide financière sur le programme de recherche que je suis en train de faire actuellement. Je ne sais pas à hauteur de combien mais il a chargé ses conseillers de s’occuper de ce dossier. Je vais être bientôt en relation avec eux.